Résidence Un virage pour Jacky
Géant par le format (et par le cœur), les pieds enracinés dans la forêt sacrée de ses ancêtres, les bras virevoltants sur les couloirs des scènes queer d’aujourd’hui, Jacky repousse les clichés et les assignations que le patriarcat impose aux hommes, et aux danseurs. Un virage pour Jacky a pour vocation un temps de résidence de recherche au Cameroun au printemps 2025 ainsi qu’une création en « sites non-dédiés » (établissements scolaires - collèges et lycées) et une création en « version plateau ».
Jacky Medefo arrive en France à 11 ans, depuis le Cameroun. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours dansé. Au point de manigancer en cette faveur, adolescent, pour intégrer le lycée de secteur qui propose l’option danse : il a vu que ça existait sur une affiche placardée sur un mur de l’établissement. C’est sans appel, Jacky est le meilleur. Il retient l’attention de Cécile, responsable des relations publiques d’un grand festival de danse, qui l’invite à s’engager dans un premier projet participatif. C’est comme ça que je rencontre Jacky : ça lui a plu, il veut continuer, il s’inscrit pour un deuxième projet dont je suis la chorégraphe. Nos histoires se catapultent. On est en 2023.
En juin de cette même année, je suis sur les routes du festival Uzès danse. Le chemin en bus depuis Nîmes est dément, à couper le souffle. On zigzague au-dessus des gorges de la planète. On longe un tournant, c’est serré, c’est pentu, c’est raide, j’aperçois alors un panneau. Il est écrit « Le virage de Kevin ». Je suis frappée, ça me prend à la gorge : c’est morbide, c’est poétique, c’est mystérieux, prophétique : j’y lis l’histoire d’un homme qui change de voie. J’y lis une autre histoire de la masculinité. Je me dis : j’en ferai un spectacle.
La danse de Jacky est à la fois un cri et une caresse, comme si la tendresse pouvait hurler depuis le centre de la terre vers le haut de la montagne. Il semble que toutes les émotions du monde soient contenues dans son corps, immense. Quand Jacky danse, il nous parle, et ce qu’il a à nous raconter nous déroute, nous oblige, nous propulse. Les pieds enracinés dans la forêt sacrées de ses ancêtres, les bras virevoltants sur les couloirs des scènes queer d’aujourd’hui : Jacky s’invente continuellement dans un futur qui l’appelle sans l’assigner.
Un virage pour Jacky, c’est la proposition d’un portrait subjectif d’un des plus grands danseurs que j’ai eu la chance de rencontrer. C’est aussi simple que ça, comme un slogan sur une affiche, comme un message à faire passer : celui de croire que nos histoires ont le pouvoir de tout transformer.
Magda Kachouche
Un virage pour Jacky est accueilli en résidence à L'échangeur-CDCN du 12 au 14 janvier 2026.