Sur une table drapée de blanc, arrangée de coussins, trois femmes posent nues. Elles figurent - en le triplant - le modèle d’un tableau fameux, La Vénus d'Urbino du Titien, commenté en voix off par l’historien d’art Daniel Arasse. Mais elles enchaînent les poses d'autres modèles, passant d'un tableau à un autre - de Manet à Ingres - tandis que Daniel Arasse cède la place aux récits de leurs expériences de travailleuses du sexe, des scènes vécues dans l'alcôve des "salons privés" du théâtre érotique décrit dans Je baise les yeux. Et leurs récits viennent percuter le monde de l’art. La belle indifférence, en mettant à nu ce que l’œil ne peut pas voir ou ne veut pas savoir de l'histoire de l'art européen, pose une question plus large : quel rapport ancien - celui du peintre et de son modèle - se joue encore entre la danseuse du théâtre érotique - rémunérée pour se rendre désirable - et le spectateur ? Les trois Vénus vivantes du spectacle opèrent imperceptiblement un glissement : de l’histoire de l’art à la représentation théâtrale et chorégraphique, elles interrogent comment le rapport "corps nus féminins et désir" s'est construit dans l'art européen.